Et à l’École normale Ignace-Bourget

Classe de Belles-Lettres

« Classe de Belles-Lettres » (1956).
Collection : Soeur Claire Lanthier c.s.c.
Cote : P0005,S02,P001.
Montréal : Archives de la Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal.

Les futures profs vont aussi à l’école…

Nous sommes à l’automne 1956. Cette photo provenant de la collection Sœur Claire Lanthier, c.s.c., présente une classe de belles-lettres à l’École normale Ignace-Bourget. Cette école spécialisée dans la formation des enseignantes de niveau primaire était située dans l’édifice accueillant actuellement la Bibliothèque et la Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal.
La formation était dispensée par les Sœurs de Sainte-Croix. Nous voyons ici, sur la photo à gauche, sœur Marie-Gilberte de la Croix entourée de son groupe d’étudiantes. Ces futures enseignantes étaient appelées à œuvrer auprès des filles.

La musique fait partie des apprentissages

Sur la photo de droite, le groupe participe à une audition de disques. Cette activité à caractère éducatif et culturel permettait de s’initier à différents genres musicaux.

Audition de disques en classe de Belles-lettres

« Audition de disques en classe de Belles-lettres » (1956 ou 1957).
Collection : Soeur Claire Lanthier c.s.c.
Cote : P0005,S02,P002.
Montréal : Archives de la Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal.

Et aussi le théâtre

Étudiantes de Belles-Lettres jouant dans les Femmes savantes

« Étudiantes de Belles-Lettres jouant dans les Femmes savantes » (1957).
Collection : Soeur Claire Lanthier c.s.c.
Cote : P0005,S02,P003.
Montréal : Archives de la Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal.

En mai 1957, ces étudiantes donnent une représentation de la pièce Les Femmes savantes de Molière. Il est à noter que les femmes y jouaient aussi les rôles masculins : ainsi, Claire Lanthier, septième en partant de la gauche, personnifie Chrysale, le père dans la pièce.

Graduation en 1960

Claire Lanthier a obtenu son diplôme, soit un Baccalauréat en pédagogie Brevet A, en 1960.
Photo des finissantes du Baccalauréat en Pédagogie Brevet « a », École normale Ignace-Bourget 1959-1960

« Photo des finissantes du Baccalauréat en Pédagogie Brevet « a », École normale Ignace-Bourget 1959-1960 » (1960).
Collection : Soeur Claire Lanthier c.s.c.
Cote : P0005,S02,P005.
Montréal : Archives de la Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal.

Son parcours scolaire a totalisé 15 années :

  • 7 années pour le niveau primaire
  • 8 années pour le « cours classique » ainsi nommées :
    • Éléments latins
    • Syntaxe
    • Méthode
    • Versification
    • Belles-lettres
    • Rhétorique
    • Philosophie I
    • Philosophie II.
La cérémonie de graduation a eu lieu à l’église Notre-Dame du Très-Saint-Sacrement le 17 juin 1960.
Par la suite, Claire Lanthier s’est engagée dans la vie religieuse au sein de la congrégation des Sœurs de Sainte-Croix, celles-là mêmes qui l’avaient formées.

25e anniversaire de la Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal

À cette occasion, au mois de juin 2009, sœur Claire Lanthier a partagé ses souvenirs :

Témoignage… de sœur Claire Lanthier, c.s.c.

Le 465 Mont-Royal : un haut lieu de culture, bien avant la fondation des maisons de la culture.


Dès 1896, les Sœurs de Sainte-Croix y ont édifié un pensionnat pour jeunes filles : le Pensionnat Saint-Basile. Geste audacieux à l’époque mais geste empreint du charisme d’éducation de la congrégation : cours de formation générale et activités variées.

Attentives aux besoins du milieu, elles y ont ensuite dirigé un externat pour les élèves du primaire tout en demeurant attentives à un autre besoin tout aussi urgent : la formation d’enseignantes. Les Sœurs tenaient bien une École Normale, mais c’était loin, à Mont-Laurier, dans les Hautes-Laurentides. Aussi, au début des années ’50, elles ont ouvert l’École normale Ignace-Bourget, en l’honneur de l’ancien évêque de Montréal, celui-là même qui a fait venir les sœurs du Mans, France, en 1847.

Édifice qui abritait le Pensionnat Saint-Basile

 » .
Collection : Soeur Claire Lanthier c.s.c.
Cote : P0005,S01.
Montréal : Archives de la Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal.

Elles y ont offert les cours conduisant au Brevet Supérieur. Puis, avec la réforme des programmes, la préparation à l’obtention des Brevets C, B et A, décernés par le Département de l’Instruction Publique, à Québec. Le Brevet A était aussi accompagné d’un Baccalauréat en Pédagogie octroyé par l’Université de Montréal. Outre les matières traditionnelles : pédagogie, psychologie, langues, méthodologies, sciences et mathématiques, une place de choix était attribuée à diverses activités culturelles.
 
Ainsi, le théâtre y avait ses lettres de noblesse :
Une troupe ambulante est venue jouer Andromaque de Jean Racine : Denise Pelletier dans le rôle-titre, son frère Gilles tenant le rôle de Pyrrhus… Le professeur d’art dramatique et de diction, Madame Huguette Uguay, y jouait le rôle de la confidente. Comme étudiantes, sous la direction de Madame Uguay, on y a présenté Les Femmes savantes de Molière, ou encore le Poisson d’Or de Félix Leclerc…
Une normalienne a conçu une mise en scène du Messire François de Léon Chancerel… ce qui fut apprécié non seulement des normaliennes et de leurs parents et amis, mais aussi d’un public plus large, d’élèves des autres écoles…
 
 
La mode était aussi aux débats oratoires. Aussi un groupe de rhétoriciennes a essayé, devant le Chanoine Lionel Groulx, (que de prétention !!!) de démontrer que les Marguerite Bourgeoys, Marie de l’Incarnation et autres fondateurs de l’Église canadienne étaient des aventuriers et non de généreux pionniers. Sûrement à la blague, à la fin du débat, le Chanoine Groulx a affirmé qu’heureusement le Vatican n’avait pas entendu les arguments car cela aurait pu mettre en péril les procès de béatification et de canonisation des Fondateurs de l’Église canadienne.
Le vendredi soir, les débats étaient moins sérieux… un groupe de normaliennes se retrouvait au restaurant La Lorraine, coin Mont-Royal et Saint-Denis, pour résoudre, autour d’une table ronde, tous les problèmes du monde tout en sirotant une boisson gazeuse étirée tant que les serveuses ne venaient pas prier les étudiantes de se retirer afin de laisser la place aux clients qui venaient souper.
 
La musique prenait aussi une large place dans la vie de l’institution. On sait que le pianiste et compositeur André Mathieu demeurait tout près du couvent et y a reçu des leçons de piano. Du temps de l’École Normale, le professeur de musique, en plus des cours individuels, enseignait la méthodologie de la musique et offrait en complément des auditions de disques, pour la joie des étudiantes. D’ailleurs, l’auditorium Le Plateau, dans le parc La Fontaine, nous offrait aussi toute une variété de concerts. Je me souviens qu’en Belles-Lettres, notre titulaire nous permettait d’écouter de la musique classique pendant la période d’étude obligatoire. Entendre le concerto de Grieg ou de Rachmaninov pendant que l’on disserte sur un poème de Baudelaire ou que l’on traduit le Pro Archia de Cicéron, n’est-ce pas inspirant ?
 
Le studio d’art était accessible aux normaliennes : peinture, gravure, cuir repoussé, cours de perspective et d’histoire de l’Art, et pour notre coquetterie, fabrication d’émaux sur cuivre, de bijoux en terre cuite, glacés au four à haute intensité… En rhétorique, notre goût pour l’art nous a fait remplacer des cadres trop doucereux pour des reproductions de Van Gogh, de Renoir, de Vlaminck et de Rouault.
 
Parmi d’autres activités, soulignons les démonstrations de folklore, les compétitions sportives dans la cour, les ciné-clubs, les mouvements de jeunesse : JEC, Congrégations Mariales, Comité de l’ONU/section Ville-Marie, les visites hors campus : musées, théâtres, Hôtel de Ville, cinéma, conférences à l’École des Hautes Études Commerciales située alors rue Saint-Hubert, près Viger, etc.
 
Les normaliennes tout comme les Sœurs de Sainte-Croix s’impliquaient aussi dans la grande procession de la Fête-Dieu dans les rues du quartier. Les fidèles venaient de partout se joindre aux paroissiens de Saint-Sacrement pour cet événement particulier…
Les normaliennes se sentaient aussi solidaires des gens du quartier : préparation de paniers de Noël pour les pauvres avec la connivence de certains épiciers qui n’hésitaient pas à ajouter des gâteries à ce qui était préparé ; équipe de gardiennage gratuit pour permettre à des couples moins fortunés de participer à certaines rencontres des Foyers Notre-Dame, sans avoir à débourser pour la surveillance de leurs enfants… implications des normaliennes à l’école La Fontaine où se tenaient les classes d’application…
Et combien d’autres beaux souvenirs… Dans cette vieille bâtisse, les planchers de bois craquaient mais les normaliennes apprenaient à « être des valeurs », à avoir des « élégances morales », à rêver comme le poète Robert Choquette :
Le Pensionnat Saint-Basile

Le Pensionnat Saint-Basile

… Et de monter toujours vers l’aurore pareil
À l’oiseau matinal envolé des broussailles
Pour prendre sa gorgée à même le soleil.
 
Oui, pendant plus de 75 ans, les Sœurs de Sainte-Croix, des femmes ouvertes, des femmes solides et engagées ont fait œuvre d’éducation libératrice, elles ont fait « œuvre de Résurrection » dans cette vieille maison grise…
Ah ! si les murs pouvaient parler… pour parodier Lamartine :
 
Murs inanimés, avez-vous donc une âme
qui s’attache à la nôtre et la force d’aimer ?
 
Aujourd’hui, comme Sœur de Sainte-Croix, je me réjouis que la vieille bâtisse de pierre grise soit toujours un lieu de culture. La vocation de la maison se perpétue… Ad multos annos!
 
Claire Lanthier, c.s.c.
École Normale Ignace-Bourget
Baccalauréat en Pédagogie
1956-1960